06 Fév Management : gérer l’urgence
Cinq pratiques de management face à l’urgence
Pour rester performantes, les entreprises doivent renforcer la faculté de « pleine conscience », pour percevoir les moindres signaux annonciateurs de crise.*
*Cet article est une traduction de l’article « Managing the unexpected »
Les managers se plaignent souvent de devoir « éteindre des feux » toute la journée, prétextant que ceci les empêche de se concentrer sur « les questions plus importantes», comme l’élaboration de stratégies ou de planification à long terme. Pourtant, apprendre à « éteindre les feux » est probablement l’un des meilleurs investissements qu’une entreprise puisse faire pour élever son degré de performance. Ce que ces responsables ne parviennent pas à réaliser, c’est qu’ignorer les problèmes quotidiens et / ou de ne pas traiter efficacement les événements inattendus peut conduire à des problèmes plus importants qui finissent par se transformer en une crise grave et coûteuse.
On ne compte plus faits d’actualité annonçant des déficits soudains d’entreprises, des mises à pied, des échecs commerciaux et des irrégularités de gestion. Pour preuve: Enron, qui a dégringolé de son statut dominant en tant que numéro du commerce de l’énergie, au statut « en faillite », en l’espace de quelques mois. Une foule d’autres entreprises allant de la fabrication automobile, la publicité, les produits pharmaceutiques ou jouets, aux télécommunications et nouvelles technologies ont également atteint l’équivalent commercial d’un iceberg partiellement submergé, les faisant couler plus vite que le Titanic.
Ces retombées sont-elles une conséquence inévitable d’une époque complexe et d’un climat d’affaires très volatil ? Pas nécessairement. Les entreprises peuvent prévenir les mauvaises surprises et garder un développement serein.
Les recherches révèlent que certaines organisations ont réussi à améliorer leur capacité à agir efficacement et gérer les conflits. On les appelle « organisations à haute fiabilité » (HROs : high reliability organization ). Les porte-avions, les centrales nucléaires et les équipes de lutte contre l’incendie sont quelques exemples de HROs. Ces structures offrent constamment des performances élevées dans des situations imprévues où le risque d’erreur et de catastrophe est majeur. Bien que les sociétés ordinaires ne soient pas confrontées à des circonstances de même ampleur, elles peuvent beaucoup apprendre des HROs. En particulier de la gestion des opérations dans des conditions difficiles. Elle donne bien des outils pour éviter les crises.
La performance d’une entreprise réside dans sa perception, sa souplesse et sa réactivité.
Pour éviter la réaction en chaîne, les structures doivent être à l’écoute de ce qui se passe, anticiper les problèmes et réagir rapidement aux incidents de façon souple plutôt que rigide. Lorsque les choses vont mal, les entreprises doivent identifier les personnes ou les équipes qui ont l’expertise pour contenir ou minimiser la crise, et leur en déléguer la gestion. Elles peuvent compter sur la résilience organisationnelle pour rebondir rapidement après un faux pas. En opérant « en pleine conscience » et en effectuant des ajustements décisifs en temps opportun, les entreprises sont plus aptes à gérer les imprévus dans un environnement difficile et hautement concurrentiel.
Le piège dans lequel on tombe trop souvent est de prendre des décisions alors même que la situation n’est pas entièrement comprise. Certaines entreprises sont tellement soucieuses d’agir, qu’elles ne prêtent pas assez d’attention aux événements précurseurs qui ont mené à cette situation. Pire encore, elles mènent des décisions précipitées sur la base de premières interprétations, et n’envisagent pas de réviser leurs hypothèses ou objectifs à la lumière de nouvelles informations. Elles ne prêtent attention qu’aux preuves qui confortent leurs premières actions, et ignorent celles qui engagent une remise en question.
En conséquence, les indices faibles, annonciateurs d’une catastrophe, sont ignorés ou mésestimés.
Multiplier les procédures pour prévoir des problèmes potentiels peut s’avérer contre-productif.
Les organisations oublient d’envisager chaque événement comme un événement unique, exigeant une réponse de gestion tout aussi unique. Au lieu de cela, on se met des œillères, et on adapte tant bien que mal une solution toute faite, alors qu’il faudrait faire l’inverse : analyser d’abord le problème pour construire la solution.
En réalité, les entreprises seront plus efficaces si leurs organisations sont davantage à l’écoute des premiers signaux. Ils sont certes plus faibles, mais détectables: ce sont les incidents inhabituels. Souvent, ces petits détails sont riches en information, et révèlent que tout ne va pas tout à fait bien. En prenant le temps de cerner la complexité d’une situation avant d’agir, les responsables pourront prendre des mesures adéquates pour faire face à un événement imprévu, plutôt qu’à un problème plus grand ou même une crise. Les HRO s’engagent constamment dans cette «lutte pour la vigilance». Elles révisent et mettent à jour continuellement leurs informations au fur et à mesure que les événements se déroulent. Elles se méfient des premières interprétations, souvent trompeuses ou peu concluantes.
Cinq pratiques clés peuvent aider les entreprises à développer un état de complète perception. Ces pratiques doivent être mises en œuvre à tous les niveaux pour développer une prise de conscience collective des détails importants. Cela améliorera leur capacité à gérer l’imprévu. Cela renforcera leur capacité à répondre aux attentes des clients et à conserver leurs collaborateurs de qualité.
Cinq pratiques pour développer la « Pleine perception ».
- Se soucier des défaillances.
Encouragez les collaborateurs à signaler toute erreur ou dysfonctionnement. Soyez attentif à tout échec. Ces défaillances peuvent révéler une faille dans d’autres secteurs de l’entreprise. Trop souvent, le succès réduit l’attention et engendre la confiance excessive dans les pratiques adoptées. Il étouffe les points de vue opposés. Cela conduit à la complaisance qui à son tour entraîne une déconsidération des événements imprévus, lesquels peuvent alors devenir des problèmes bien plus grands par effet de boule de neige. - Éviter les interprétations trop rapides.
Analysez chaque incident avec un regard neuf et ne tenez rien pour acquis. Adoptez une vision complexe des situations et recherchez des éléments de preuve qui révèlent des problèmes inattendus. Consultez plusieurs avis, étudiez les moindres détails, discutez des événements inhabituels et écoutez attentivement. Évitez de regrouper les détails ou de normaliser un événement inattendu afin de préserver un objectif visé. - Être réceptif.
Prêtez une grande attention aux opérations de minute à minute et soyez conscient des imperfections. Efforcez vous de faire des évaluations et des mises à jour en continu. Impliquez tout le monde. Obtenez la collaboration de tous pour affiner le fonctionnement de l’entreprise. - Engager le processus de résilience.
Renforcez la capacité d’adaptation en faisant tourner les postes, en révélant des intelligences et des compétences singulières. Soyez conscient des erreurs qui se sont produites et prenez des mesures pour les corriger avant qu’elles ne s’aggravent. Une fois que la mesure est prise, que vous revenez à un état de calme, n’oubliez pas de rester dans un état « alerte ». Soyez prêt à gérer le prochain imprévu. - Passer le relais aux experts.
En période de trouble, passez le rôle de chef de file à la personne, l’équipe experte ou expérimentée. Donnez leur l’autonomie nécessaire pour prendre les mesures efficaces en temps opportun. Évitez d’avoir recours à l’ordre hiérarchique ou au statut pour déterminer qui prend des décisions en cas d’événements imprévus.
Weick est le Professeur Rensis Likert Université Distinguée de comportement organisationnel et de psychologie.
Sutcliffe est professeur agrégé de comportement organisationnel et de gestion des ressources humaines.